À LA DÉCOUVERTE DU NOUVEAU SPECTACLE ALICE ET LA REINE DE CŒUR : RETOUR AU PAYS DES MERVEILLES

AVEC LES COSTUMES DESIGNERS* ISABELLE ANTOINE ET MALIKA SIF

Notre voyage au cœur des préparatifs du tout nouveau spectacle du Parc Walt Disney Studios se poursuit en compagnie des deux créatrices des costumes. Toutes deux n’en sont pas à leur première production pour Disneyland Paris, mais celle-ci les a particulièrement inspirées. Voici pourquoi… 

 *Créatrices de Costumes 

Isabelle, Malika, pouvez-vous nous dire quelques mots à propos de votre rôle et de votre parcours au sein de Disneyland Paris ?  

Isabelle : Je suis Costume Designer à Disneyland Paris depuis 14 ans. J’ai d’abord été Assistante Costumière puis Costumière – une expérience qui me permet d’avoir une vision aussi bien technique que créative des costumes que je dessine. Aujourd’hui, je crée des costumes pour toutes sortes de spectacles et d’événements, pour des chanteurs, des danseurs et des artistes aux disciplines les plus variées. Depuis plusieurs mois, je m’occupe tout particulièrement d’Alice et ses amis, y compris les musiciens, et je dois dire que je suis gâtée.  

Malika : Pour ma part, j’ai toujours voulu être Costume Designer. À l’âge de six ans, j’ai vu La Belle et la Bête de Jean Cocteau à la télévision et je me suis dit que c’était cela que je voulais faire : créer de la magie à travers les costumes. Je suis donc rentrée en 1993 en tant qu’Habilleuse à Disneyland Paris et au fur et à mesure des années, je suis passée Assistante Costumière, Costumière puis enfin Costume Designer. J’ai un parcours assez atypique, essentiellement autodidacte. Mais quand on est passionnée, on peut réussir. À Disneyland Paris, avec plus de 500 métiers représentés, on peut intégrer l’entreprise dans une profession et changer, évoluer, tout au long de son parcours. C’est vraiment exceptionnel. En tant que Costume Designer, je m’occupe spécifiquement de la saison d’Halloween tout au long de l’année. Sur Alice et la Reine de Cœur : Retour au Pays des Merveilles, je me suis occupée de designer les costumes de la Reine de Cœur et de tous ses acolytes et je peux vous dire que je me suis fait plaisir car j’adore dessiner des Méchants ! 

Vous semblez toutes deux particulièrement ravies de travailler sur ce projet.

Isabelle : Complètement. Déjà parce que c’est un changement total de registre par rapport au précédent spectacle auquel j’ai participé, qui était TOGETHER* : une Aventure Musicale Pixar. Et ensuite, parce que je n’aurais rêvé projet plus inspirant pour moi. C’est un véritable concert pop-rock, avec toute une palette de personnalités extrêmement différentes. Pour concevoir les costumes, il a fallu renouer avec l’esprit et les codes du dessin animé original, tout en s’imprégnant de la culture actuelle afin de créer quelque chose de moderne et inventif. C’est vraiment un projet unique.

Malika : Je suis totalement d’accord. Et j’ai apprécié d’autant plus ce projet que nous avons eu la chance de disposer d’encore plus de temps que d’habitude pour y travailler. Nous avons commencé en novembre 2022, ce qui fait qu’on a pu réfléchir de façon sereine à tout ce qu’on allait créer. 

*Ensemble

Comment avez-vous imaginé les costumes d’Alice et de la Reine de Cœur ? 

Isabelle : Alice a un côté « pop star », très « cute* ». Tout dans son costume laisse transparaître sa gentillesse. Mais dans le même temps, c’est une adolescente, prête à se confronter à la vie. J’ai traduit cela par une revisite des motifs classiques. Le haut du costume est en effet très classique, alors que le bas est beaucoup plus fou, avec des plissés, un mélange de matières très différentes, des fleurs, des jupons, et tout cela est complètement déstructuré et asymétrique. Alice assume pleinement qui elle est, et cela se ressent également au niveau de ses chaussures, typiques de ce qu’aime la jeunesse d’aujourd’hui, mais revisitées façon Disney, dans l’esprit du décor que notre Scénographe, Olivier Dusautoir a dessiné, avec de l’herbe qui monte dessus.

Malika : Pour la Reine de Cœur, je suis partie de l’héritage du film Disney, avec des éléments très historiques, inspirés des vêtements traditionnels de la cour, auxquels j’ai intégré des volumes et des détails exagérés dans la mesure où les personnages doivent être vus et reconnus de loin. Partant de là, je me suis amusée à travailler ces formes historiques en déstructurant le costume. J’ai aussi intégré des éléments et des matières très modernes comme des motifs en forme de cœur au niveau de sa couronne et du plastron très « Marie-Antoinette » qu’elle a devant le bustier. J’ai utilisé des morceaux de plexiglas rouge miroir et j’ai joué sur les tons rouges et oranger. Avec la lumière extérieure, je pense que cela va bien rendre. Je suis très impatiente ! Je lui ai aussi rajouté des cuissardes jaunes avec des traits noirs qui font un peu penser aux rubalises dans les séries policières américaines. C’est comme un signal : « attention danger ! ». J’ai ouvert cette crinoline pour mieux les montrer. Tout cela lui donne une sorte de présence dramatique et théâtrale – tout dans l’exagération, et en même temps un côté glamour. Ce qui n’empêche pas une touche de ridicule qui correspond bien au personnage, à travers ses manches bouffantes et ses gants munis d’ongles. 

*Coquette

Rien que par leurs costumes, on sent déjà l’opposition entre les deux personnages.

Isabelle : Les costumes révèlent la personnalité et racontent l’histoire au même titre que les décors ou les performances scéniques. Et le costume d’Alice s’oppose directement à celui de la Reine de Cœur. 

Il faut savoir une chose, c’est que Malika et moi n’en sommes pas à notre premier « battle* ». Nous nous sommes déjà affrontées (amicalement, bien sûr) sur un précédent spectacle, Pirates et Princesses : Choisissez votre Camp ! Et devinez de quelle équipe s’occupait Malika…

Les Pirates ? 

Isabelle : Exactement !

Malika : J’aime quand il y a des défis, quand les personnages ou le public doivent choisir un côté plutôt qu’un autre. C’est très humain. C’est beaucoup plus subtil que de simplement opposer le bien et le mal. D’autant que je pense que les Méchants cachent beaucoup de sentiments derrière leurs malices. Devant eux, les autres personnages semblent beaucoup plus fades. (clin d’œil à Isabelle…)

Isabelle : Je ne suis pas d’accord ! Alice a beaucoup de caractère, et elle le prouve autant par son chant que par son costume. Vous voyez, avec Malika, on est déjà en mode « battle* » ! (rire) Chacune pour son groupe. Mais c’est le public qui aura le dernier mot. Nous allons suivre cela de près !

*Duel

Comment avez-vous envisagé les autres personnages ? 

Isabelle : Pour le Chapelier Fou, j’avais bien sûr en tête les différentes versions du personnage portées à l’écran, mais il fallait vraiment sortir de ces représentations pour créer notre version à nous. Comme je suis restée sur les codes couleur des personnages du film de 1951, nous sommes dans une ambiance verte, très verte.  Mais comme son esprit est très… divagant, j’ai imaginé un costume basé sur l’opposition des lignes et des courbes. Les lignes se retrouvent au niveau de ses chaussures ou des plis de sa veste, tandis que les courbes se retrouvent au niveau des motifs qui se surajoutent à l’ensemble. Il y a beaucoup de virages dans ce costume ! Pour son chapeau, j’ai repris l’emblème des modistes et des gens qui travaillent en atelier de couture : la bobine. Et le dessus fonctionne comme le manchon sur lequel on vient piquer les épingles. On retrouve aussi le mètre ruban. Et tout cela est totalement déstructuré, à l’image de l’esprit du personnage.

Malika : Pour ma part, j’évoquerai plus particulièrement les cartes, que j’ai imaginées avec un côté très hip-hop, très moderne, « génération Z ». C’est une approche totalement différente de tout ce qu’on a pu voir auparavant, et c’est justement cela qui est amusant !

Comment avez-vous intégré les impératifs techniques des différentes disciplines – chant, danse, acrobatie – dans la création des costumes ? 

Malika : C’est une dimension que l’on intègre dans tous nos spectacles et plus généralement dans l’ensemble de notre travail. Le bien-être des Cast Members, qu’ils soient sur scène ou ailleurs dans les Parcs ou les Hôtels Disney, est essentiel. Quand on crée un costume pour un spectacle, la première chose à laquelle on pense, c’est la période des représentations, afin de prendre en compte les variations de température. Nos artistes disposent d’un costume standard, haut et bas, mais également de bodies, avec des matières différentes pour chaque saison : épaisses pour l’hiver et légères pour l’été. 

Isabelle : Un autre aspect essentiel de la conception d’un costume, c’est la sécurité. Nous avons effectué par exemple un gros travail sur les chaussures, notamment pour les danseurs. La scène sur laquelle ils vont évoluer n’a rien à voir avec le parquet qu’on peut trouver dans un théâtre en intérieur. Il a donc fallu trouver des chaussures adaptées parce que la scène est immense. Pour l’animer, il faut courir dans tous les sens. Je pars donc du principe que tous nos artistes vont beaucoup se donner au niveau énergie et il faut penser à leur bien-être tout autant qu’à leur sécurité. Mais cela nous a permis dans le même temps de créer des chaussures extrêmement modernes, des baskets revisitées et dynamiques qui expriment aussi, à leur manière, la personnalité des personnages. Un costume, cela va du chapeau à la pointe des pieds et nous apportons la même attention à chaque détail, afin que tout soit abouti tant du point de vue esthétique que technique. 

En parlant de cette scène et de son décor, comment avez-vous travaillé avec Olivier Dusautoir, le Scénographe du spectacle ?

Isabelle : Nous avons beaucoup discuté avec lui à propos de l’esthétique générale de la scène et l’intégration des costumes dans cet univers. Mais il faut aussi prendre en compte dès le départ les interactions et tous les éléments techniques du spectacle. C’est typiquement le cas des fleurs, qui doivent interagir avec la machinerie du décor. C’est un costume aussi bien technique qu’esthétique que nous avons créé ensemble avec Olivier. Il doit vraiment y avoir une symbiose entre le décor et le costume. Sur scène, nous aurons huit fleurs, chacune avec une envergure de 2,60 mètres. L’effet est très impressionnant et s’intègre parfaitement dans la scénographie qu’il a imaginée. 

D’où l’importance, également, d’une étroite collaboration avec vos fournisseurs.

Isabelle : Nous travaillons avec des entreprises et des artisans de talent, notamment dans le développement des matières. Quasiment toutes les matières du spectacle ont été développées pour nos besoins spécifiques. Une production comme celle-ci, c’est un peu comme un laboratoire de recherche. On essaie, on tente des choses avec nos fournisseurs. Parfois cela fonctionne, parfois non et on doit alors trouver de nouvelles solutions. C’est vraiment formidable de travailler au quotidien avec des gens curieux, qui acceptent de relever les défis qu’on leur lance. J’avoue qu’en France, nous avons beaucoup de chance parce que nous avons des partenaires qui n’hésitent pas à nous suivre dans des aventures parfois complexes, qui demandent beaucoup de temps de conception, mais on y arrive et c’est toujours un immense plaisir. C’est le cas notamment de l’atelier FBG 2211, qui a travaillé sur ces fleurs extraordinaires pour lesquelles nous avons utilisé des kilomètres et des kilomètres de voile plissé à assembler, et qui excelle dans l’intégration de matières techniques comme le néoprène. 

Malika : Nous sommes toujours à la recherche de nouveaux fournisseurs. Par exemple, pour le plexiglas du costume de la Reine de Cœur, nous avons travaillé avec une entreprise qui n’appartient pas au monde de la mode, mais qui s’occupe plutôt de créer des maquettes d’architecture avec des matières spécifiques. Ce sont nos collègues de l’Atelier Bas et Hauts, avec qui nous avons travaillé sur TOGETHER* : une Aventure Musicale Pixar, qui m’ont suggéré cette entreprise. Ce fut une collaboration inattendue tant pour nous que pour eux, mais nous avons eu le plaisir les uns comme les autres de découvrir de nouvelles choses. J’aime beaucoup cette curiosité, et cette proximité. Mon objectif, c’est de faire travailler le plus possible des entreprises proches de nous.

Isabelle : Nous avons beaucoup de chance de travailler dans un milieu aussi inventif. Pour les chapeaux du spectacle, j’ai utilisé des matières que nous n’avions jamais autant exploitées. Nous avons collaboré avec l’atelier Blin & Guilhem, qui a développé des techniques particulières, avec des mousses spéciales, qui nous ont permis de créer le magnifique chapeau-casque du Lapin Blanc ou la coiffe de la Chenille. Grâce à ces techniques, nous avons vraiment pu jouer sur les volumes et créer des couvre-chefs délirants et très novateurs. 

*Ensemble

C’est vraiment du jamais-vu à Disneyland Paris !

Malika : Il est important que l’univers Disney soit accessible à tous et sache se renouveler. Cette ouverture est essentielle. Pour moi, Alice et la Reine de Cœur : Retour au Pays des Merveilles est un spectacle populaire que toutes les générations vont aimer venir voir.

Isabelle : Matteo nous a entraînées dans son imaginaire et invitées à sortir du cadre. Il nous a permis de donner libre cours à nos idées les plus folles. Je rejoins totalement Malika sur le fait que ce spectacle repousse les limites de ce qu’on a l’habitude de voir à Disneyland Paris.

Partager cet article

Facebook
Twitter
LinkedIn
Picture of La Rédaction

La Rédaction

Skip to content