Les recettes de la magie : Entretien avec Jean-Marie Clément, directeur produit restauration & service achats [PARTIE 1/2]

La saison de Noël bat déjà son plein avec son lot de décorations, de spectacles… et de mets délicieux. Pour l’occasion, nous nous sommes tournés vers Jean-Marie Clément, qui nous révèle avec gourmandise les tendances de cette saison ainsi que la somme de talents qui se cachent derrière la conception et la fabrication de tous ces plats et spécialités de fêtes…

LES SAVEURS DE NOËL

Jean-Marie, peux-tu nous parler des tendances de cette saison de Noël en termes d’offre restauration ?

C’est un sujet fascinant, à la fois facile et compliqué. Noël, c’est avant tout une tradition, et c’est la raison pour laquelle on retrouve chaque année certains produits emblématiques, comme les bûches, les bonnes volailles aux morilles ou encore les boissons chaudes réconfortantes.

Mais dans le même temps, on essaie de trouver des produits uniques, en s’inspirant d’un film, d’un spectacle ou des créations de nos collègues de Merchandise, afin de rester dans les mêmes tendances. Cette année, par exemple, on met l’accent sur le pain d’épice, en écho à Mickey et Minnie « gingerbread » que l’on peut voir dans Mickey et sa Parade Étincelante de Noël.

On sait aussi que nos visiteurs recherchent des produits qu’ils puissent déguster tout en se promenant dans nos Parcs. C’est pourquoi nous avons développé, entre autres, le Maca’Renne de Noël, un macaron en forme de sucette.

Victoria’s Home-Style Restaurant est devenu depuis quelques temps un incontournable de par les spécialités qu’il propose à chaque saison, et notamment ce Noël.

C’est un petit restaurant adorable qui est très populaire. À chaque saison, on met en place de nouveaux produits, et c’est un vrai plaisir, une belle collaboration entre nos chefs pâtissiers et mes équipes qui se réunissent pour imaginer toutes ces douceurs sur des thèmes différents : Halloween, Noël, etc. Parmi eux, il y a un Chef extraordinaire qui dessine en temps réel les projets de pâtisseries dont on est en train de discuter. Car le visuel est essentiel. Il faut que ce soit beau, que cela donne envie. Puis notre chef pâtissier retourne à ses fourneaux pour nous proposer une semaine après une douzaine de pâtisseries différentes, de petites offres thémées. Il nous les présente et on en sélectionne 5 à 7. On regarde le thème, le côté mignon de la présentation, et les couleurs. On recherche une harmonie entre le chocolat, le fruit, la crème afin d’avoir une offre très diversifiée et belle. Parfois, comme pour Halloween, on implique nos visiteurs. La saison dernière, nous avons mis 8 produits sur les réseaux sociaux en demandant aux internautes ceux qui leur plaisait le plus. On fait aussi beaucoup d’enquêtes en interne pour savoir quelles sont les préférences de nos visiteurs pour nous assurer qu’on touche tout le monde. Grâce à tout cela, Victoria’s Home-Style Restaurant est un endroit qui fait désormais le plein tous les jours, et ce dès l’ouverture !

Cette année, le 30e anniversaire s’invite aussi à Noël.

Pour notre anniversaire, nous avons lancé une offre extrêmement populaire de produits et nos visiteurs tenaient à ce qu’ils soient toujours là pour Noël, d’autant que tout le monde n’est pas encore venu pour l’occasion ! Cela dit, nous avons fait quelques modifications en accord avec la saison. Il y a par exemple l’entremet Célébration que nous avons conservé, mais dont nous avons changé la couleur. De blanc, il est passé au rose, avec une petite boule de Noël marquée du logo du 30e anniversaire, et nous l’avons baptisé « Le Délice de la Mère Noël ».

Avec un thème aussi fort que Noël, comment tes équipes et toi parvenez-vous à vous renouveler chaque année ?

Le secret, ce sont les défis que se lancent sans cesse nos équipes. On fait beaucoup de recherches, on regarde les nouveautés. Par exemple, nous avons développé un milkshake au pain d’épice. C’est vraiment délicieux !

DES RÊVES PLEIN L’ASSIETTE

De l’inspiration à l’assiette, comment se déroule la conception des plats que l’on peut déguster à Disneyland Paris.

Tout dépend du sujet, si c’est un événement ou une saison. Si l’on doit s’inspirer d’un film Disney, on va passer beaucoup de temps à le regarder et à l’étudier en détails, même quand il s’agit d’un film qu’on a déjà vu. On va être à la recherche de cet instant « Food & Beverage », ce moment qu’on n’a pas forcément identifié au cinéma et qui va nous inspirer un plat ou une spécialité. Parfois, on peut en discuter avec les créateurs du film. J’ai eu la chance de faire cela quand j’ai travaillé sur Pandora – The World of Avatar où nous avons eu la chance de travailler directement aux cotés de John Landau ou encore sur Star Wars: Galaxy’s Edge pour lequel j’allais tous les trois mois à San Francisco rejoindre les équipes de Lucasfilm afin de nourrir mon inspiration.

Après, une expérience culinaire, ce n’est pas qu’une affaire de chef, c’est un tout. Il y a les gens qui conçoivent les restaurants, l’architecture, les décors et tout ce qui concerne l’art de la table. C’est pour cela qu’on se retrouve ensuite tous ensemble et qu’on discute de ce qu’on pourrait faire, quel type de produits on pourrait utiliser, comment les présenter, dans quel cadre, afin de créer quelle atmosphère… Quand on prépare une saison comme Noël, on se réunit aussi avec les équipes Marketing, Entertainment et Merchandise pour qu’il y ait une continuité dans nos histoires. Ensuite, on laisse les chefs exprimer leur créativité et revenir vers nous avec leurs créations. Certaines nous plaisent, d’autres moins. Alors, on rediscute, on fait des présentations que je valide et on peut finalement intégrer ces produits à nos restaurants, nos kiosques et karts avec l’espoir qu’ils feront rêver nos visiteurs comme ils nous ont fait rêver. Ce qu’on cherche toujours, c’est ce côté unique. On doit contribuer à l’immersion totale de nos visiteurs dans nos histoires, et on essaie de leur faire découvrir des choses qu’ils ne verront nulle part ailleurs.

Concrètement, cela peut prendre combien de temps ?

Pour une saison comme Noël, cela peut prendre 6 mois. Ce qui prend beaucoup de temps, c’est la validation des produits au niveau sécurité sanitaire, franchise, achat, etc. On accorde également beaucoup d’attention à l’aspect environnemental, notamment en termes de traçabilité et d’origine. C’est un processus long et complexe.

Pour un nouveau parc ou un nouveau Land, on lance les premiers concepts trois ans en avance et on commence réellement le développement des menus une année avant l’ouverture.

Compte tenu de ton expérience internationale, comment vois-tu la spécificité de Disneyland Paris ?

C’est une destination particulièrement intéressante du fait de la diversité de nos visiteurs européens, et pas seulement. En fonction de leur provenance, les horaires de restauration sont différents, les habitudes sont différentes, le snacking est différent. Mais il y a quelque chose qui ne change jamais, quels que soient l’époque et le public, c’est le fait de vouloir manger des plats, snacks et boissons inédits.

UN MÉTIER DE PASSION

À travers vos créations, on sent vraiment la passion qui vous anime, toi et tes équipes.

Ce qui est important pour nous, ce sont les gens qui travaillent avec nous, les talents qu’on recrute et ceux que l’on forme. On ne réalise pas toujours le nombre de métiers représentés dans la restauration, avec toutes sortes de passerelles entre ces métiers. Nous avons des Cast Members qui ont des carrières et des parcours vraiment uniques. C’est un environnement de travail exceptionnel. C’est aussi la raison pour laquelle je suis toujours là.

Il est vrai que ton parcours dans la société remonte aux tout débuts de notre destination.

En effet. Tout a commencé en 1990. J’étais chef au Pavillon Ledoyen sur les Champs Elysées et j’ai entendu dire que Disney allait ouvrir une nouvelle destination près de Paris. Je me suis dit que ce serait une expérience intéressante que de travailler pour une entreprise américaine pendant quelques temps avant de tenter autre chose. Je ne me doutais pas que 31 ans plus tard, je serais encore là ! J’ai donc postulé et j’ai eu la chance d’être embauché pour développer les menus de l’ensemble des Hôtels Disney et Disney Village, qui s’appelait Festival Disney à l’époque. Nous avions une cuisine d’essai à Torcy, à une quinzaine de kilomètres du site, et c’est là que j’ai mis au point menus et recettes pour ce nouveau projet. Par la suite, j’ai eu la chance de pouvoir travailler à Walt Disney World en Floride ainsi qu’à Tokyo Disney Resort et Shanghai Disneyland. J’avais tellement de bons souvenirs de mes débuts à Euro Disneyland que je suis revenu. Cela fera tout juste deux ans, le 20 décembre prochain.

Quels souvenirs gardes-tu de l’ouverture d’Euro Disneyland ?

Je ne reverrai plus jamais cela de ma vie : ouvrir le même jour 7 hôtels plus Disney Village, c’était extraordinaire, plein d’émotion ! Puis, le 12 avril, j’ai tenu à venir voir les premiers visiteurs du Parc Disneyland. Ce fut aussi un moment très émouvant. Tout le monde pleurait de joie. C’est là qu’on réalise qu’on est là pour émerveiller les gens. Pour porter de la magie. Quand j’ai des moments de doute ou de stress comme cela arrive dans toute profession, je m’évade et je vais me promener dans le Parc. Cela permet de remettre les choses en place, de réaffirmer pourquoi on est là : pour créer cette magie. Nous faisons vraiment un métier exceptionnel !

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